Présentation et contenu

316 volumes, plus de 5000 textes et quelques 230 000 pages : voilà ce que les Tibétains ont compilé dans le corpus qui rassemble l’ensemble des écrits canoniques se rapportant à l’enseignement de l’éveillé. Ce phénoménal trésor de connaissances s’organise à travers deux ensembles d’ouvrages : le Kangyur consacré à la parole du Bouddha et le Tengyur, qui regroupe les nombreux commentaires des maîtres indiens du passé visant à expliciter certains aspects de l’enseignement originel.

Les vastes bibliothèques des temples renferment toute « la parole du bouddha »


Le Kangyur : quelques éléments de contenu

Le Kangyur rassemble en tibétain tous les textes fondateurs du Bouddhisme. Il existe de nombreuses éditions tibétaines de ce canon, qui s’est formé au fil des ans. La version la plus répandue est celle réalisée à Dergé au 18e siècle. Comprenant 102 volumes au total, le Kangyur se subdivise en différentes sections : vinaya, soutras et tantras.

 

Vinaya (13 volumes)

Le Kangyur s’ouvre sur les soutras du Vinaya (la conduite éthique). Il s’agit de la traduction du Vinaya des Mulasarvastivadin du bouddhisme Theravada. On y trouve notamment relaté des anecdotes de la vie du Bouddha et décrite la façon dont les règles de la communauté bouddhiste et des renonçants sont apparues. Deux parties sont consacrées à l’éthique des moines, et deux autres à celle des moniales.

La vacuité : essence ultime de tous les phénomènes

Pour donner un aperçu de la notion de vacuité, on peut citer une phrase clé énoncée dans le Soutra du Cœur : « La forme est vide. La vacuité est forme. La vacuité n’est autre que la forme, et la forme n’est autre que la vacuité. De même sensations, notions, conditionnants, et consciences sont vides ». Le sens profond de ce passage indique que, bien que les phénomènes apparaissent (ils sont forme), ils n’existent pas véritablement, et sont donc également vacuité. Cette vacuité n’est pas néant : le vide est forme. Toute la manifestation est en fait une illusion sans fondement. Le but de l’enseignement du Bouddha est de se libérer de cette illusion et de réaliser, de voir directement la vacuité de tous les phénomènes.

vacuité
Soutras (63 volumes)

Les sections suivantes regroupent les traductions des soutras (discours) du Mahayana.
On y trouve dans l’ordre :

• Les Soutras de la Prajnaparamita

De longueurs inégales (de 100.000 versets en 12 volumes à quelques pages), ces textes présentent la qualité transcendante de sagesse ou Prajnaparamita. Dans ces enseignements, le Bouddha explique à ses disciples le fondement de toute la doctrine bouddhique du Mahayana : la vacuité.

• Le Soutra de l’ornementation fleurie des bouddhas ou Avatamsakasutra

Ayant connu ses plus vifs développements en Chine, ce soutra est l’un des plus volumineux du Mahayana et couvre 4 volumes. Il traite de l’immensité des qualités des bouddhas et de leurs « terres pures ». Leur conduite est décrite en détail, tout comme celle des boddhisattva, les êtres engagés vers l’éveil avec compassion et dont le souhait est d’atteindre l’état de bouddha afin d’accomplir le bien de tous les êtres. Dans la dernière partie, le Gandavyuhasutra, on suit notamment le cheminement vers l’éveil du Bodhisattva Sudhana et ses rencontres avec de nombreux maîtres.

• Le Soutra de l’amas de joyaux ou Ratnakutasutra

Regroupant 49 soutras du Mahayana sur quatre volumes, cette section aborde différents sujets. On y trouve notamment une description de la « terre pure » d’Amitabha, Sukhavati. Ce « lieu » émane du Bouddha Amitabha qui avait fait le souhait d’offrir aux êtres un refuge hors de la souffrance où cheminer rapidement vers l’éveil. De nombreux bouddhistes invoquent Amitabha dans le but de renaître dans cette « terre pure » de Sukhavati.

• Un autre soutra, le Rugissement du lion adressé à la reine Shrimaladevi évoque l’un des sujets centraux du Mahayana : la nature de bouddha.

 • Le Soutranta et les quatre nobles vérités

Sur 32 volumes, ce soutra regroupe tous les courts discours du Bouddha. Les soutras du Mahayana sont présentés dans un premier temps, suivis de 47 soutras du Théravada. Le plus volumineux de cette dernière tradition est le Soutra du placement de l’attention sur le saint Dharma. C’est dans celui-ci qu’est articulé le fondement de toute la doctrine bouddhique, les quatre nobles vérités.

La base de tous les enseignements du bouddha : les quatre nobles vérités

La première vérité est celle de la souffrance. Il s’agit d’un diagnostic réaliste de la situation des êtres, qui subissent les vicissitudes du samsara qu’ils créent eux-mêmes, de la naissance à la maladie et à la mort.

La seconde vérité est celle de l’origine, qui décrit les causes de la souffrance, principalement l’ignorance fondamentale de notre vraie nature et toutes les émotions perturbatrices qui en résultent : désir, orgueil, jalousie…

Le bouddha aborde ensuite la vérité de la cessation, qui indique la possibilité de faire cesser la souffrance et les limitations en déracinant l’ignorance fondamentale afin de s’établir dans le nirvana, l’au-delà de la souffrance.

Pour cela, il faut suivre les instructions de la quatrième vérité, celle du chemin, qui décrit toutes les méthodes offertes par le Bouddha pour que ses disciples atteignent le même état d’éveil.

 • Le Mahaparinirvanasutra

Ce dernier discours, qui clôt la section des soutras du Kangyur de Dergé, relate les événements advenus à l’approche de la « mort » du Bouddha (son parinirvana, c'est-à-dire son passage dans l’au-delà de la souffrance).

En résumé, cette première partie du Kangyur présente l’éthique d’un bouddhiste – moine ou laïc –, la vue à maintenir (la vacuité, la nature de bouddha, etc.), et le chemin à suivre, que ce soit en termes de comportement, de motivation ou d’entraînement méditatif. Tous ces soutras représentent la partie « exotérique » de l’enseignement du Bouddha.

La nature de bouddha : la base de l’éveil commune à tous les êtres

L’éveillé a expliqué que tous les êtres sensibles, jusqu’aux plus infimes insectes, partagent la même nature fondamentale et disposent à ce titre de la même possibilité d’atteindre l’état d’éveil. Un bouddha n’est pas un dieu, mais un être qui a actualisé pleinement toutes les qualités naturelles de son esprit, qualités dont l’esprit de tous les êtres est également doté. Cette « nature de bouddha » n’est pas manifeste à l’état ordinaire à cause des nombreux voiles qui la recouvrent. Le but du chemin est d’éliminer ces obscurcissements et de devenir à notre tour un bouddha.

A gauche, la roue du temps, symbole du cycle des existences conditionnées : le samsara

detail texte Vaidurya Karpo

 

 

Tantras (26 volumes)

La section suivante est celle des tantras, versant ésotérique du bouddhisme. Riches du bagage commun hérité du Théravada et du Mahayana – les enseignements sur les quatre vérités, la vacuité et la nature de bouddha –  et nourris de l’esprit d’éveil du bodhisattva, les pratiquants tantriques utilisent diverses méthodes pour accélérer le murissement du chemin qui mène à l’état de bouddha.

• On trouve donc dans cette partie du Kangyur l’explication de différents systèmes de pratique, amenant à réaliser directement la vue décrite par tous les discours du Bouddha.  

Cette section du Kangyur de Dergé comprend quatre parties principales. Après le Manjushri Nama Samgiti suivent tous les autres grands systèmes tantriques  parvenus au Tibet : Kalacakra, Hevajra, Cakrasamvara, etc.

• La seconde partie, sur trois volumes, est constituée des tantras qui ont été importés d’Inde dès la première vague de traduction au Tibet, au 8è siècle. Ils constituent une partie du corpus de l’école Nyingma, l’une des quatre lignées principales du bouddhisme tibétain.

• La troisième partie est une collection de dharani, c'est-à-dire de longs mantras. Les mantras sont des sons particuliers qui, associés à certaines pratiques, sont répétés un grand nombre de fois. Il s’agit de l’une des méthodes privilégiées des tantras, chaque tantra ayant adopté des mantras particuliers, mais ils n’en sont pas l’apanage exclusif. Certaines dharani proviennent ainsi des soutras du Mahayana, et d’autres même du canon pali. Certaines déclarations du Bouddha ou certains soutras deviennent ainsi des dharani, des formules que le pratiquant répète afin d’en réaliser pleinement le sens

• La quatrième partie, un commentaire du Tantra de Kalacakra, est en fait un extrait du Tengyur.

• Enfin, le dernier volume du Kangyur de Dergé est un index des 102 volumes précédents, composé par l’éditeur. Plutôt qu’une table des matières précise, il s’agit surtout d’une description du sens des différents soutras et tantras, ainsi que de leur histoire, en Inde puis au Tibet. 

Le Tengyur : les commentaires de la parole du Bouddha

Le Tengyur regroupe toutes les traductions des commentaires indiens qui explicitent la doctrine du Bouddha Shakyamuni et que chaque éditeur a jugés canoniques. Plus largement, on trouve aussi dans cette collection des traités de poésie, de grammaire, de médecine ou d’alchimie, traduits du sanskrit. C’est également dans ce corpus que sont préservés les index et dictionnaires ayant été composés à l’origine par les traducteurs tibétains du 8è siècle. L’édition de Dergué couvre 213 volumes.

On peut diviser le Tengyur en quatre grandes parties : les louanges, les tantras, les soutras et les arts divers.