L’Abhidharmasamuccaya

Présentation de l’Abhidharmasamuccaya (tib : chos mngon pa kun las btu spa)

Asanga

Asanga

Asanga est né dans l’actuel Cachemire, dans la région de Purusapura (Peshawar) au IVe siècle de notre ère.Il avait été prophétisé par le Bouddha Shakyamuni neuf siècles auparavant comme bodhisattva. Il est l'aîné de trois enfants. Son frère cadet n'est autre que Vasubandhu. Leur mère Prasannasila, de caste Brahmanique, était une ancienne nonne. Elle rendit ses vœux afin de mettre au monde des enfants qui perpétueraient l'enseignement bouddhiste du grand véhicule, en particulier l’Abhidharma, qui était dans une période de déclin après l’incendie de la bibliothèque de l’université de Nalanda.

L’œuvre d’Asanga se place entièrement dans la perspective du mahayana dans un système de pensée nommée « yogachara ».

 



Asanga prit les vœux monastiques et étudia le tripitaka. Afin d'acquérir une compréhension définitive, il rencontra un maître des tantras. Lors de la phase préparatoire de l'initiation, on prend une fleur dans les mains et on fait une prière de souhaits afin que la déité avec laquelle on a un lien apparaisse, puis on jette la fleur. Dans le cas d'Asanga, la fleur tomba dans la section du mandala qui représentait le Bouddha Maitreya. Asanga décida donc de méditer sur le bouddha Maitreya.

Il voyagea jusqu'à la frontière chinoise, à l'époque entre l'Inde et le Tibet, jusqu'à la montagne nommée Riwo Tchakang, où il s'assit en méditation. Il voulait rencontrer directement le Bouddha Maitreya afin de recevoir des instructions, en particulier sur la prajnaparamita.

Il resta dans son ermitage pendant douze ans sans avoir un seul signe de succès. Plusieurs fois il voulut mettre un terme à sa retraite, mais persista. Toutefois au bout de douze ans, il était complètement découragé. Il sortit de retraite et sur la route rencontra un chien dont l’arrière train était paralysé et mangé par les vers. Le chien essaya d’attaquer Asanga, mais celui-ci en voyant l’animal éprouva une très grande compassion.
Il voulut enlever les vers du chien avec ses doigts, mais c'était impossible sans les écraser. Il décida donc de s'agenouiller et de les ôter avec la bouche. C’est alors que Maitreya lui apparut.

Asanga lui demanda pourquoi il ne lui était pas apparu plus tôt. Maitreya lui expliqua qu'il était présent depuis le début de sa retraite, mais qu'il n'avait pas suffisamment purifié ses obscurcissements karmiques pour le voir. Grâce à sa compassion, Asanga avait maintenant purifié ses obscurcissements karmiques et c'est pour cela qu'il pouvait percevoir Maitreya.

Maitreya lui demanda ensuite de le porter jusqu'au village afin de le présenter aux villageois. Mais comme personne ne pouvait percevoir Maitreya, Asanga comprit que les obscurcissements karmiques les en empêchaient. Seule une très vieille femme qui avait   un karma plus pur que les autres pouvait voir le pied de Maitreya. Asanga comprit ainsi que sans une grande compassion ni une grande connaissance, les obscurcissements karmiques ne peuvent être éradiqués.

Asanga se rendit ensuite dans la terre pure de Tushita où Maitreya réside habituellement. Il reçut alors de ce dernier le cycle des « cinq grands traités de Maitreya», puis revint dans notre monde avec ces traités et les enseigna .
Ces cinq grands traités commentent le vinaya, les sutra et l'abhidharma du point de vue du mahayana.
D’après les chroniques historiques de Taranatha, Asanga vécut au moins cent cinquante ans. C’est un bodhisattava de la troisième terre dont l’activité dans le temps et l’espace est inconcevable. C'est de cette façon qu'il répandit l'enseignement à travers l’Inde, du sud au nord ouest.

 

L'œuvre d’Asanga

Elle se place entièrement dans la perspective du mahayana, dans un système de pensée nommé « yogacara ».

En schématisant, nous pouvons dire que, d’après ce système, les phénomènes sont la manifestation des tendances habituelles stockées dans le continuum fondamental de l’esprit (sanskrit : alaya; tibétain : kun gzhi), qui est la base de toute manifestation. L'esprit, soumis à la confusion, perçoit les phénomènes comme réels et différents de lui-même, de la même manière qu’un rêveur perçoit son rêve comme étant réel. Le but du chemin est de reconnaître les manifestations comme l'esprit et l'esprit comme vacuité en essence. Ainsi on se libère de la souffrance.

Les œuvres d’Asanga sont: 

• « Les cinq traités de Maitreya » (skt : panca maitreyograntha ; tib : byams chos sde lnga)

Il s’agit du groupe de traités retranscrits par Asanga après qu’il ait entendu les enseignements directement du Bouddha Maitreya.
Les cinq traités sont :

  1. skt : Abhisamayalankara; tib : mngon par rtogs pa’i rgyan
  2. skt : Mahayana-sutralankara ;tib : theg pa chen po mdo sde’i rgyan
  3. skt : Madhyanta-vibhanga; tib : dbus dang mtha’ rnam par ‘byed pa
  4. skt : Dharma-dharmata-vibhanga; tib :chos dang chos nyid rnam par ‘byed pa
  5. skt : Mahayanottaratantra-shastra ; tib : theg pa chen po rgyud bla ma’i bsten chos

 • « Les cinq traités concernant les terres d'éveil » (skt : yogacara-bhumi ; tib : sa sde lnga)

Ce sont des traités concernant les bhumis, les terres d’éveil qu’un bodhisattva parcourt avant d’atteindre l’éveil. Ils ont été composés par Asanga :

  1. skt : Yogacara-bhumi; tib: rnal ‘byor spyod pa’i sa
  2. skt : Yogacara-bhumi-niranaya-samgraha; tib: rnal byor spyod pa’i sa las gtan la phab pa’i bsdu ba
  3. skt : Yogacara-bhumau vastu-samgraha; tib: rnal ‘byor spyod pa’i sa las gzhi bsdu ba;
  4. skt : Yogacara-bhumi paryaya-samgraha; tib: rnal ‘byor spyod pa’i sa las rnam grangs bsdu ba
  5. skt : Yogacara-bhumi vivarana-samgraha; tib: rnal ‘byor spyod pa’i sa las rnam par bshad pa’i bsdu ba


• « Les deux résumés », (tib : sdom rnam gnyis)

Ce titre fait référence aux deux compendiums d'Asanga qui sont :

  1. skt : mahayna samgraha; tib : theg pa chen po bsdus pa, « the compendium of The Great Vehicle »
  2. skt : abhidharmasamuccaya ; tib : chos mngon pa kun las btus pa

 

L'Abhidharmasamuccaya et ses traductions

L'Abhidharmasamuccaya est un ouvrage d'Asanga traitant de l’Abhidharma du point de vue du grand véhicule, le mahayana.
L'Abhidharmasamuccaya est d’une grande importance dans le canon bouddhiste. Selon Walpo Rahula, « Il contient presque toutes les doctrines principales du mahayana et peut être considéré comme le résumé de toutes les autres oeuvres d'Asanga. »

L’ouvrage, composé en sanskrit, comporte deux parties : le Compendium des Caractéristiques, en quatre chapitres, et le Compendium des Décisions, en quatre autres chapitres.

Un disciple d’Asanga, Buddhasimha, en écrivit un commentaire, l’Abhidharma Samuccaya abhashya.

L’Abhidharmasamuccaya fut traduit du sanskrit au tibétain par le Maître Indien Atisha et le traducteur tibétain Tsultrim Gyelwa au IXe siècle. Il existe aussi une traduction chinoise de Xuanzang (VIIe siècle).

Pour sa traduction française, Walpola Rahula s'est appuyé sur une version fragmentaire sanskrite découverte dans un monastère tibétain en 1934 (alors que l'original sanskrit était considéré comme perdu), ainsi que sur les traductions chinoises et tibétaines.

 

L'Abhidharmakosa et l'Abhidharmasamuccaya au Tibet

Bien qu’appartenant au corpus mahayaniste, l'Abhidharmasamuccaya n'est pas autant étudié au Tibet que l'Abhidharmakosa. Seuls ceux qui désirent avoir une connaissance plus approfondie de l'Abhidharma étudient l'Abhidharmasamuccaya, après avoir étudié l'Abhidharmakosa.

Mipham Rinpoché, l’un des principaux lamas Nyingma du XIXe siècle, synthétise ces deux ouvrages dans le mkhas ‘jug, ou « Entrée dans la Pratique des Erudits », publié en anglais sous le titre de Gateway to Knowledge (Rangjung Yeshe Editions).

Mipham Rinpoché met en évidence les approches et classifications différentes des agrégats (skt : skandha, tib : phung po), des éléments (skt : dhatu, tib : khams) ou des obscurcissements mentaux (skt : klesha; tib : nyon mongs) etc., selon l’approche théravada (d’après l'Abhidharmakosa) ou mahayana (selon l'Abhidharmasamuccaya).


Les différences d'approche concernant l'agrégat de la formation :

Il est expliqué que tous les phénomènes conditionnés sont inclus en tant que matière, esprit et formations non-associées. L'Abhidharmakosa liste quatorze formations qui ne sont associées ni complètement à l'esprit, ni complètement à la matière, comme les voeux, la naissance, le vieillissement ou le fait de recevoir quelque chose. L'Abhidharmasamuccaya rajoute dix autres formations non-associées, comme le temps, la vitesse, le lieu, etc. comptabilisant ainsi vingt quatre de ces formations. (mipham rinpoché : gateway to knoweldge: vol 1 P32-33)

Les différences d'approche concernant les obscurcissements mentaux :

Alors que ce qui doit être abandonné est classé dans l'Abhidharmakosa en 98 éléments reliés aux trois mondes, l'Abhidharmasamuccaya énumère 112 obscurcissements à éradiquer. (Gateway to Knowledge, vol II p134)

Les différences d'approche concernant les différents aspects de la conscience :

L'Abhidharmakosa divise l’esprit en six perspectives, les cinq consciences sensorielles et la conscience mentale. L'Abhidharmasamuccaya rajoute deux perspectives, la conscience obscurcissante d’une part et le continuum mental de base d’autre part (skt : alaya; tib : kun gzhi). La division de l’esprit en huit perspectives est une caractéristique de l'approche Cittamatra. (Gateway to Knowledge, vol I p34)