Les huit chapitres de L’Abhidharmakosha

Personne ne réside dans la discipline qui ne soit discipliné à l’égard de tous les êtres : c’est par une bonne pensée ayant pour objet tous les êtres que l’on acquiert la discipline.
La Vallée Poussin
L’Abbhidharma de Vasubandhu

Les huit chapitres de l'Abhidharmakosa

L'Abidharmakosa est divisé en 8 chapitres :

  1. khams : les éléments, la cause des 3 mondes
  2. dbang po : les facultés sensorielles
  3. 'jig rten : le monde, comment il apparaît et se développe
  4. las : le karma
  5. nyon mongs: les émotions perturbatrices et les obscurcissements mentaux
  6. lam dang gang zag : le chemin et le pratiquant
  7. ye shes : la sagesse
  8. snyom 'jug : la descriptions des différents états d'absorptions méditatives

Bhavacakra Thikse
La souffrance et l'origine de la souffrance, la cessation de la souffrance et le chemin de la cessation elle-même constituent le sujet des huit chapitres de l'Abhidharmakosa.

Les chapitres 1 et 2 donnent une explication générale de ce que sont samsara et nirvana. C'est une introduction pour comprendre le fonctionnement du samsara.
Les chapitres 3, 4 et 5 expliquent en détail les phénomènes contaminés.
Les chapitres 6, 7 et 8 expliquent les phénomènes non contaminés.

 

 


Chapitre 1 : les éléments (skt : dhatu ; tib : khams)

La classification des phénomènes en 18 éléments ou dhatus englobe la totalité des objets de connaissance. Dhatu signifie "base" ou "potentiel" ou "semence de toutes choses", ou "élément porteur de la relation de cause à effet".
Ce chapitre définit le samsara. On renonce d'autant plus aisément au samsara qu'on connaît sa nature.
Le premier chapitre décrit donc l'objet de l'analyse, le second chapitre va décrire le sujet : les facultés sensorielles.

 

Chapitre 2 : les facultés sensorielles (skt : indriyastib ; tib : dbang po)

Il s'agit des cinq facultés des sens (visuelle, auditive, gustative, tactile, olfactive) et de la faculté mentale.
Une explication détaillée des fonctionnements de la perception est nécessaire afin de comprendre en quoi notre perception des phénomènes est erronée.
Ces deux chapitres sont la base de discernement entre le samsara et le nirvana. Cette base va nous permettre de connaître le samsara et l'origine du samsara.

 

Chapitre 3 : le monde (skt : lokah, tib : 'jig rten)

Ce chapitre traite de la vérité de la souffrance. Le samsara est la conséquence des obscurcissements mentaux et du karma. La base de la souffrance dans le samsara, c'est le monde.
Pour résumer, dans la cosmologie bouddhique le monde comprend trois niveaux d'existence.
On parle des "trois mondes" :

  • Le monde sans forme et le monde de la forme

Les mondes de pure absorption méditative à commencer par le plus haut: "le monde sans forme", puis "le monde de la forme". Les êtres de ces royaumes d'existence n'ont pas à proprement parler de corps physique, mais sont dans un état de totale méditation.

  • Le monde du désir

Le monde du désir est lui-même constitué de six niveaux d'existence: (le monde des dieux, des titans, des hommes, des animaux, des esprits avides et des enfers).
Ces trois mondes dans lequel vivent les êtres sont nommés « monde extérieur » et les êtres vivants sont donc considérés comme « monde intérieur ».
Ce chapitre décrit également la formation des mondes à partir des éléments et le mode de renaissance des êtres à travers la naissance par une matrice, un œuf ou autre.

  • prendre renaissance dans les trois mondes

Les êtres entre deux existences, sont poussés par le karma à prendre renaissance. Le texte décrit le processus de l'état intermédiaire (tib: bar do). Les êtres prennent renaissance en fonction de leur karma et de leur niveau de conscience lié au mérite :

L'être pauvre en mérites entre parce qu'il pense : « le vent vente, le ciel pleut ; il fait froid-; il tempête ; les gens font vacarme », et parce qu'il pense éviter les ennuis, il croit entrer dans une retraite, un fourré, une hutte de racines ou de feuilles, ou bien prendre abri au pied d'un arbre ou contre un mur. [...]

De même pour l'être riche en mérites, qui croit entrer dans un parc, un jardin, un palais, un belvédère, un pavillon ; qui croit y résider et en sortir. [...]

L'être qui a pleine conscience sait qu'il entre dans la matrice, qu'il y réside, qu'il en sort.

La Vallée Poussin : L'Abhidharmakosa de Vasubandhu. Chapitre 3

 

Chapitre 4 : Le fonctionnement du karma

Ce chapitre expose le fonctionnement du karma (tib : las) qui est la cause de la souffrance.
Par ailleurs, au moyen du raisonnement analytique, l'Abhidharmakosa réfute certains points de vue, comme l'existence d'un créateur du monde etc.
Le karma a lui-même pour origine les obscurcissements mentaux.

Par qui est faite la variété du monde des êtres vivants et le monde réceptacle qui ont été décrits dans le chapitre précédent?
Ce n'est pas dieu qui l'a fait intelligemment, la variété du monde naît de l'acte. La variété du monde naît des actes des êtres vivants.

La Vallée Poussin : L'Abhidharmakosa de Vasubandhu. Chapitre 4

Afin de cultiver les actes qui sont source de bonheur et d'éveil, le Bouddha a enseigné la discipline-éthique :

Personne ne réside dans la discipline qui ne soit discipliné à l'égard de tous les êtres: c'est par une bonne pensée ayant pour objet tous les êtres que l'on acquiert la discipline.

La Vallée Poussin : L'Abhidharmakosa de Vasubandhu. Chapitre 4

 

Chapitre 5 : Les obscurcissements mentaux (skt: klesha, tib: nyon mongs)

  • Les événements mentaux et les tendances latentes

Pour décrire le fonctionnement émotionnel de l'esprit, il est dit qu'il y a 84000 événements mentaux, qui peuvent être ramenés à 51. L'ensemble des événements mentaux est appelé "formations karmiques ou des tendances habituelles" (skt: samskara, tib : 'du byed).
"Ils conditionnent le conditionné" suivant l'expression de l'Abhidharmakosa. Les formations karmiques, en se fondant sur le karma passé, conditionnent notre karma futur.
La manière dont nous expérimentons le monde, n'est rien d'autre qu'une vision qui provient des vies passées, conditionnée par le karma et les tendances habituelles.


Combien y a t il d'influences émotionnelles ?
Six : attachement, et dès lors hostilité, orgueil, naissance, vue fausse, doute.
Les mots: "et dès lors" pour montrer que c'est en raison de l'attachement que les autres "prennent leur gîte" dans l'objet.

La Vallée Poussin : L'Abhidharmakosa de Vasubandhu. Chapitre 4

  • Les obscurcissements mentaux

Les obscurcissements mentaux s'élèvent sur la base des tendances habituelles et créent du karma, et de nouvelles tendances latentes. Ils sont la constante du samsara. Ils sont à la base de la souffrance.

 

Les chapitres 6, 7 et 8 de l'Abhidarmakosa

Maintenant que sont reconnus l'origine et la nature de souffrance du samsara, ses causes et ses effets, il ne reste plus qu'à savoir comment l'abandonner. C'est l'objet des chapitre 6, 7, et 8

Ceux qui ont plaisir dans les qualités d’autrui cultivent aisément et rapidement la bienveillance, non pas ceux qui ont plaisir à découvrir les défauts d’autrui.
Abhidharmakosa
La Vallée Poussin

 

Chapitre 6 : Les pratiquants et le résultat du chemin : la cessation de la souffrance


Le chemin et les pratiquants

(tib : lam dang gang zag = lam chemin et gang zag = la personne, le pratiquant). Le pratiquant et le chemin sont les deux objets de la purification.
Ce chapitre comporte une description des êtres réalisés et une explication des différents niveaux de réalisation à travers les quatre états des êtres nobles. Il s'agit de "ceux entrés dans le courant", "ceux qui ne reviennent qu'une fois", " ceux qui ne reviendront plus", et des arhats ou "les vainqueurs". Les êtres de ces différents niveaux sont libres du samsara.
Le chemin, représenté par les méthodes enseignées par le Bouddha, est le remède à la souffrance. Différentes méditations sont détaillées dans l'Abhidharmakosa, qui portent par exemple sur l'attention au corps, sur la manière de poser son esprit sur les mouvements du souffle etc. Ceci conduit à l'abandon des passions.

Fixer la pensée sur l'inspiration et l'expiration, sans effort ou contention, laisser le corps et la pensée tels quels; par la mémoire seule compter de un jusqu'à dix.

La Vallée Poussin: L'Abhidharmakosa de Vasubandhu. Chapitre 6

 

Chapitre 7 : la sagesse

La voie de la libération de la souffrance n'est autre que la sagesse (skt : Jnyanas) (tib : ye she).
La sagesse se développe par étape. Elle génère différents types de connaissances et des capacités particulières au fur et à mesure que le pratiquant évolue, jusqu'à l'état d'Arhat. Ainsi sont décrites les qualités de la sagesse acquises par les êtres sur le chemin jusqu'à celles du Bouddha.


Le Bouddha lui-même a proclamé cette stance : « Si quelqu'un plante une petite racine de bien dans le champ de mérite que sont les Bouddhas, il s'empare d'abord de bonnes destinées et ensuite obtient le Nirvana. »


La Vallée Poussin : L'Abhidharmakosa de Vasubandhu.
Chapitre 7


Les chapitres 6 et 7 donne l'explication globale du nirvana. Il ne reste plus qu'à expliquer les étapes de la purification.

 

Chapitre 8 : Les états de concentration méditative

C'est une description des différentes formes de concentration appelées " les quatre dhyanas". Par le samadhi, l'absorption méditative nous fait entrer dans un état d'égalité. La pratique de shamatha (tib: zhi gnas) rend l'esprit stable et pacifié, en un seul point. Sur la base de cette pacification, la méditation de vipashyana (tib: lhag mthong) révèle la sagesse.
Les différentes étapes de progression de la concentration et leurs caractéristiques sont dévellopés dans ce chapitre.

Ces différentes formes d'absorption méditative sont destinées à pacifier l'esprit des émotions perturbatrices et de la souffrance. Une purification s'opère qui produit des qualités dans le courant de l'esprit: La bienveillance, la compassion, la joie et l'équanimité.


Ceux qui ont plaisir dans les qualités d'autrui cultivent aisément et rapidement la bienveillance, non pas ceux qui ont plaisir à découvrir les défauts d'autrui.

Abhidharmakosa : op. cit. Chapitre 8


"Les cinq sujets" de l'Abhidharmakosa

Les cinq bases de connaissance (tib:gzhi lnga) classifient l'ensemble des phénomènes selon l'école Vaibhasika. Ils sont la base de l'explication de l'Abhidharmakosa.

  1. snang ba gzugs kyi gzhi : Le premier point porte sur la forme et décrit le mode d'apparition des formes.
  2. gtso bo sems kyis gzhi : Le second concerne l'esprit principal, qui rassemble les six consciences: conscience de la vue, de l'ouïe, du toucher, du goût, de l’ l'odorat et du mentale.
  3. 'khor sems byung gi gzhi: les événements mentaux, ce sont les réactions qui suivent la perception initiale et engendrent une volition basée sur les tendances habituelles.
    Les points deux et trois sont la cause du samsara, ils sont la base du karma et du jeu émotionnel de l'esprit qui se perpétue à travers les conditionnements.
    L’ensemble des trois points constitue la base de la saisie entre le sujet et l'objet.
  4. ldan min 'du byed kyi gzhi : ce groupe rassemble ce qui n’appartient ni au domaine de l’esprit, ni à celui des événements mentaux comme l'impermanence, la vie, la mort, les voeux...
  5. 'dus ma byas pa'i gzhi : ce qui n'est pas conditionné, qui est permanent ; cela concerne la cessation dû aux discriminations, la cessation qui n'est pas dû aux discriminations et l'espace.

    Les quatre premiers points concernent ce qui est conditionné, impur ou contaminé par la souffrance (tib :zag bcas). Le dernier point traite de ce qui est non conditionné, pur (tib : zag med).


Tels sont les sujets principaux de l'Abhidharmakosa.