La nature de bouddha (Lama Jigméla)

Lama Jigmé Rinpoché - Extrait du livret "La nature de bouddha" - Avril 2009

La méditation est primordiale, c’est une façon de se relier individuellement. Une pratique peut aboutir à différents résultats et il convient d’atteindre celui vers lequel vous souhaitez vous diriger. Pour ce faire, une meilleure compréhension de l’enseignement est nécessaire, de même que la capacité d’appliquer la bodhicitta d’excellente façon. Le but principal demeure la libération du samsara, objectif qui doit sous-tendre la pratique de chacun.
Pour y parvenir, il existe différentes méthodes, choisies en fonction des dispositions et du tempérament des individus. Certains préfèrent la méditation de la quiétude mentale, d’autres utilisent la méthode du gourou yoga, d’autres encore le support d’un yidam. Ces pratiques diffèrent mais leur but est identique : parvenir au résultat, c'est-à-dire se libérer de l’ignorance et de la souffrance, en d’autre termes réaliser l’éveil. Afin d’atteindre ce but, des conditions particulières doivent être rassemblées. La méditation permet une meilleure compréhension des autres et de soi-même, l’esprit est plus ouvert et moins tendu ; ces résultats restent cependant temporaires et sont assez faciles à obtenir avec une pratique méditative régulière, l’objectif principal en revanche n’est pas celui-là, mais l’éveil. Les enseignements sont destinés à nous faire avancer vers l’éveil, ils doivent nous aider à aller au-delà des difficultés, à développer davantage de compassion et d’amour envers les êtres en voyant leur souffrance. Notre nature profonde pourra ainsi se révéler et nous pourrons acquérir certaines capacités, c’est tout le propos du chemin, c'est vers cette direction que j’essaie de vous orienter.

Pour évoluer dans ce sens, des ingrédients précis sont nécessaires et doivent être mieux compris. Une fois acquise, cette compréhension est mise en lien avec certaines méthodes, c’est ainsi que l’on parvient au résultat ! L'obtention de quelque chose, dans la vie quotidienne, résulte toujours d’un premier questionnement : « De quoi ai-je besoin ? Comment l’obtenir ? » Un certain nombre de moyens sont ensuite mis en place pour satisfaire le besoin ou l’envie. La pratique fonctionne de la même manière : pour qu’elle porte ses fruits, il faut, dans un premier temps, avoir une qualité de présence. Que signifie la présence ? Avec qui, à quoi, comment se relier ? Sans cette compréhension de base, vous tentez d’avancer, mais le terme du chemin ne pourra pas être atteint. Afin de pratiquer la méditation de façon appropriée pour qu’elle nous mène au résultat qu'est l’éveil, des enseignements simples doivent être étudiés, qui vous aideront à obtenir le résultat escompté. La pratique n’est rien d’autre que l’application de méthodes, et pour utiliser ces méthodes, il faut savoir comment être pleinement soi-même et comment se connecter à ces moyens.
Vous entendez parler du Bouddha, recevez des enseignements mais vous demeurez toujours vous-mêmes, avec toute votre ignorance et votre égarement. C’est ce vous devez clarifier : comment pouvez-vous vous relier ? A qui et à quoi vous connecter ? Les enseignements du Vajrayana emploient des termes tels que « la vision pure » ; sans connaître véritablement le sens de cette expression, vous essayez, dans votre pratique, de surimposer votre idée, et ceci sans même avoir une vraie qualité de présence.
La théorie n’est pas très difficile à comprendre, la pratique cependant présente d’autres difficultés. En effet, une fois assis sur le coussin, des questions s’élèvent : « Comment puis-je développer cette vision pure ? Qu’est-ce qui est pur en moi ? etc.» Il faut savoir quoi faire avec la notion de départ et comment l’utiliser au mieux afin que la pratique porte ses fruits. Il s’agit de parvenir à intégrer et incarner cette notion.
Le problème réside dans le fait que vous ne savez pas comment rester présents, c’est pour cette raison qu’il y a quelques textes de base à étudier. Sur la base de l’étude combinée à une pratique régulière, le sens commence à être plus perceptible, l’enseignement est mieux compris et l’on parvient petit à petit à voir ce que doit être la pratique et quelle qualité de présence est à développer. La mise en ?uvre des instructions vous donnera la preuve que vous évoluez dans la bonne direction. Une fois que vous aurez véritablement intégré l'enseignement par la méditation, c’est avec la réalité que vous serez en phase !

Au début, il s’agit de suivre les enseignements, de les mettre en application et petit à petit ces instructions seront intégrées et digérées jusqu’à devenir vraiment réalité ; c’est en respectant ce cheminement que l’on parvient à obtenir le résultat qu'est l'éveil.

J’ai demandé à Khenpo Ngédeun de venir enseigner le texte que l’on peut traduire par le Traité qui montre l’essence des tathagata,sujet souvent nommé « la nature de bouddha ». Gardez bien à l’esprit que ce texte ne se contente pas de présenter de belles histoires au sujet des bouddhas et de leurs qualités, pour nous engager à les imiter. Ce n’est pas le propos de ce traité, son but est de permettre à chacun de savoir ce que signifie être soi-même, d’intégrer cela pleinement et d'être présent durant la pratique. Par exemple, lorsque l’on accomplit la pratique de Tchenrézi (il s’agit ici de la version détaillée), une partie importante concerne le fait que le pratiquant doit rester dans le courant de conscience du yidam. Quelles sont les qualités du yidam ? Sans connaissance des qualités du yidam, que l’on pratique Tchenrézi, Tara ou l’entraînement de l’esprit en lien avec le Bouddha, ces méthodes peuvent être appliquées mais elles n’apporteront pas le résultat souhaité.

Une phase de la pratique consiste, pour le méditant, à devenir Tchenrézi. A un niveau extérieur et physique, il est possible d’imaginer une copie de l’image mais ce n’est pas le sens de cette phrase, donc le résultat ne pourra pas être obtenu. Le sujet de la nature de bouddha est ardu, il s’agit de parvenir à comprendre ce qu’est l’esprit d’un bouddha. Une fois cette compréhension acquise, le pratiquant peut se relier à cette présence et sa nature réelle, présente de tout temps, se révèle. Il ne s’agit pas d’une transformation issue d’une volonté forcée ou d’un processus extraordinaire, ce processus naturel s’enclenche grâce à la compréhension.

Ecouter un enseignement peut être distrayant, mais si l’on manque de vigilance et d’attention, le sens est oublié et l’application des méthodes n’est guère utile. En revanche, la compréhension réelle du sens permettra d’appliquer les conditions requises et de les intégrer pour obtenir le résultat voulu. Prenons un exemple : imaginons que, pour des raisons de sécurité, on vous explique qu’il faut suivre une certaine procédure, pour ne pas mettre vos jours en danger. Si vous comprenez le but de ces recommandations, vous les appliquerez naturellement et les intégrerez facilement. Si, en revanche, vous ne connaissez pas leur raison d'être, vous n’y prêterez pas grande attention. Le soin et l’attention sont des états de l’esprit importants. Cet enseignement en particulier explique comment être soi-même, afin de parvenir à comprendre le sens. Les méthodes proposées ensuite peuvent être diverses, il s’agit juste de savoir comment les appliquer et ce que cela signifie.

Etre soi-même est tout à fait naturel, nous entendons souvent cette expression. Dans le contexte de la pratique, elle prend un sens particulier : il s’agit d’une qualité de présence à l'instant. Grâce à cette présence, un espace se développe, comme un recul, qui nous donne du temps. L’entraînement permettra de développer cette capacité. Un pratiquant bien informé et rompu à l’étude du sens verra, au cours de la pratique, une compréhension acquise auparavant refaire surface, qui viendra soutenir sa pratique. Il connaîtra, notamment par le biais de l’étude de l’enseignement sur la nature de bouddha, le sens du terme bouddha et ce qu’il recouvre. Si vous comprenez que ce potentiel est présent en vous et de quelle façon il est présent, la pratique vous permettra de le révéler de plus en plus et elle sera porteuse de fruits. Vous parviendrez à clarifier votre compréhension. Nous avons souvent l’habitude de surimposer nos propres concepts à l’enseignement. Ce penchant naturel, normal pour les êtres ordinaires que nous sommes, nous pousse à toujours donner notre propre version de l’histoire ! Le travail consiste à clarifier notre compréhension de l’enseignement, chose difficile parce qu’exactement contraire à nos tendances !
Sur la base d’une mise en application éclairée, une expérience de cet entraînement se développe graduellement et améliore la compréhension de la finalité de ces méthodes. Il s’agit du propos de cet enseignement sur la nature de bouddha.
Khenpo Ngédeun donnera d'abord une présentation générale de l’ensemble du texte, les détails viendront dans un second temps. Cet enseignement est une référence, parce qu’il nous éclaire sur la façon d'aborder la pratique de façon authentique et de nous connecter avec ce qui est important, il nous montre ce que nous devons développer.
Les instructions que vous recevez sont, tout d'abord, des idées, mais les étudier puis les appliquer améliorera la qualité de votre pratique, quelle qu'elle soit. Le point crucial réside dans la présence et la qualité que vous donnez à cette présence.
L’étude vous aidera à aller à l'encontre de vos idées fixes, à revenir au plus près de l’enseignement et à le comprendre, ce qui vous permettra d’obtenir des résultats positifs.

Shamar Rinpoché viendra prochainement à Dhagpo Kagyü Ling pour conférer l'initiation d’Amitabha et transmettre des instructions concernant cette pratique ; plus tard, au mois d'août, le Gyalwa Karmapa viendra à son tour. Les enseignements et les initiations transmises par de tels maîtres constituent des moments importants et précieux. Avoir étudié et compris le sujet de la nature de bouddha fera une grande différence dans la façon dont vous recevrez ces enseignements et initiations. Vous saurez, en effet, ce que signifie une qualité de présence. Essayez de comprendre le sens de la nature de bouddha et de le relier à votre pratique régulière.
Lorsque le Gyalwa Karmapa donne une initiation, il insiste toujours sur les différentes phases, en expliquant qu’il faut être présent et connecté à soi-même. En général, vous suivez ces explications de façon très artificielle et calquez une image sans en connaître la signification. Au lieu d’être le yidam, vous n’en êtes qu’une photo. Il ne s’agit pas d’être une image mais de développer l’essence du yidam, ce n’est pas ce que vous faites. Une connaissance du sens vous permettra, en revanche, d’être véritablement présents et d’incarner ce qui est demandé par la personne qui confère l’initiation.

Comprendre le sens de la nature de bouddha revient à comprendre le sens de l’éveil. Pour ce faire, il faut vous appliquer à l’étude, sinon vous êtes comme une balle de plastique : l’eau versée dessus ne la pénètre pas, elle glisse puis s’évapore aux premiers rayons de soleil ! En revanche, de l’eau versée sur une boule de terre infiltre la terre et l’humecte complètement. C’est ce que vous devez chercher à être : pleinement infiltrés, humectés par la bénédiction. C’est le sens de l’initiation : une transmission d’influence spirituelle. Cette influence spirituelle doit vous imprégner et non glisser sur vous sans laisser de traces. Si elle vous imprègne, elle se dissoudra dans votre esprit et permettra à vos capacités de s’améliorer et se développer. C’est le but de la venue de ces grands maîtres.

Essayez d’écouter puis de comprendre ces enseignements au sujet de la nature de bouddha et de clarifier votre entendement. Clarifier signifie parvenir à une certitude, une véritable compréhension qui pourra être intégrée dans votre pratique. Ce processus d’intégration vous permettra de vous familiariser avec ce sens.
Lors de certaines phases de la pratique, le méditant et tout l’environnement deviennent vacuité ; sans compréhension du sens de cette phrase et sans la qualité de présence, il ne se passera rien. C'est la compréhension du sens qui conduira au bon résultat. Vous devez être vigilants, parce que vous avez l’habitude de plaquer votre propre opinion sur ce que vous entendez. Je le répète encore, parce que parfois cette habitude est correcte et notre façon de voir va de pair avec ce que l’enseignement propose, mais parfois ce n'est pas le cas ! Ceci ne constitue pas forcément un défaut mais retarde simplement l’obtention des résultats et peut parfois aller jusqu’au développement d'idées incorrectes ; dans ce cas l’obtention du résultat est remise en question. Le fait de pratiquer permet toujours d’accumuler un peu de mérite et de développer quelques qualités mais il ne s’agit pas du résultat ultime. Sur la base d’une claire compréhension des instructions, une différence se manifestera dans votre pratique et c’est ce vers quoi vous devez tendre.